La France manque de vétérinaires

Ouest France – Il est urgent de former plus de vétérinaires mais aussi de moderniser la profession estime Emeric Lemarignier, président du SYNGEV (Syndicat national des groupes d’établissements vétérinaires).

On parle beaucoup des déserts médicaux, mais il y a aussi en France de nombreux déserts vétérinaires, principalement en zone rurale.

La France compte 1,2 million de professionnels de santé (dont 220 000 médecins) pour près de 68 millions d’habitants, et chacun reconnaît que ce n’est pas assez. Que dire alors d’un pays qui compte 19 530 vétérinaires pour plus de 75 millions d’animaux domestiques d’après une étude de Kantar pour la Facco (dont 15,1 millions de chats et 7,5 millions de chiens) et près de 40 millions d’animaux d’élevage (en se limitant aux bovins, ovins, porcins, caprins) ? Deux fois plus d’animaux domestiques et d’élevage que d’humains, mais soixante fois moins de soignants ! Tout comme il y a des déserts médicaux, il y a également des déserts vétérinaires en France, principalement en zone rurale.

Bien sûr, les réalités humaines et animales nécessitent des prises en charge différentes. Les écarts entre ces chiffres disent toutefois combien la France manque de vétérinaires alors même que les attentes de la moitié de Français qui vivent avec des animaux sont croissantes quant à l’accès aux soins et à leur qualité.

La cause animale n’a ainsi jamais été aussi forte en France et les Français aussi exigeants. Selon un sondage IFOP de février 2022, 69 % des Français jugeaient que la question du bien-être animal constituait un thème de campagne électorale important et 90 % d’entre eux se disaient favorables à l’interdiction totale de toute expérimentation animale. En 2010, le nombre d’associations dédiées à la cause animale était inférieur à 100 en 2010, alors qu’il a bondi à plus de 3 000 en 2019 !

Sous l’effet de ce mouvement de fond qui traverse la société, la profession vétérinaire évolue rapidement. Elle se féminise, 55,6 % des vétérinaires sont des jeunes femmes et 72,4 % d’entre elles ont moins de 40 ans. Elle aspire davantage au salariat (+ 15,7 % sur 5 ans) plus protecteur et respectueux de vie privée alors que l’époque du vétérinaire corvéable à merci, à l’image du médecin de campagne, est révolue. Elle se forme de plus en plus à l’étranger (52,5 % des primo inscrits à l’Ordre des vétérinaires sont diplômés d’un autre État de l’UE) ce qui interroge la vétusté de notre système de formation. Elle subit enfin une fuite des talents puisque 41,5 % des vétérinaires qui quittent chaque année l’Ordre des vétérinaires ont moins de quarante ans.

Ces données esquissent le tableau d’une profession vétérinaire à la croisée des chemins qui doit sans tarder engager sa profonde modernisation pour faire face à ces nombreux défis.

Déserts vétérinaires

Le premier chantier sera démographique : les besoins sont multiples et les effectifs des vétérinaires ne progressent pas assez vite pour les combler, ce qui contraint fortement la permanence des soins. Il faut donc plus de vétérinaires en France. Une remise en cause du « numerus clausus », qui a déjà été desserré mais produit des logiques malthusiennes, doit être évoquée sans tabou. De même, il faut développer la formation continue pour favoriser la mutualisation des expertises entre vétérinaires (radiologie et biologie, oncologie, chirurgie, soins intensifs, médecine générale…).

Le deuxième chantier concerne le modèle économique. L’évolution rapide des technologies de soins (scanners, IRM, radiothérapie,…) et de la télémédecine constitue une opportunité inouïe. Mais elle exige des investissements constants souvent difficiles à assumer pour des vétérinaires qui engagent l’essentiel de leur patrimoine dans leur entreprise.

Le troisième chantier est relatif à l’organisation du travail. Les vétérinaires sont souvent confrontés à des horaires considérables et à des contraintes administratives chronophages, à l’origine de surmenage. La demande, notamment chez les jeunes vétérinaires, est désormais de pouvoir dégager davantage de temps pour le soin et pour jouir de leur vie privée.

Face à ces défis, des efforts collectifs doivent être consentis. Pour mieux partager le coût des investissements nécessaires à la modernisation des établissements vétérinaires, des mutualisations de moyens et de compétences pourraient être envisagées, ce qui permettrait de favoriser une véritable continuité des soins sur le territoire tout en sécurisant les vies professionnelles et personnelles des vétérinaires. Par-delà leurs différences, les vétérinaires aspirent tous à améliorer la qualité des soins qu’ils prodiguent, à coordonner leurs expertises et à circonscrire les déserts vétérinaires.

La liberté donnée à chaque professionnel d’exercer pour son propre compte ou au sein d’un groupe vétérinaire demeure l’une des clés pour que la profession se modernise, dans la souplesse, en accord avec les attentes souveraines des vétérinaires et des foyers qui accueillent des animaux. Pour mieux défendre le bien-être animal, améliorons les conditions de travail et de vie des vétérinaires

Source : ouest-france.com

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